Incendie de l'usine Seveso au sud de Toulouse : tout ce qu'il faut savoir sur la chaudière mise en cause

Samedi 15 mai 2021, l'usine Fibre Excellence de Saint-Gaudens (Haute-Garonne) a été victime d'un incendie au niveau d'une chaudière.. qui doit être modernisée. Les explications.

La chaudière à liqueur noire, à l'origine de l'incendie dans l'usine Fibre Excellence de Saint-Gaudens, doit être modernisée..
La chaudière à liqueur noire, à l’origine de l’incendie dans l’usine Fibre Excellence de Saint-Gaudens, doit être modernisée. (©Anthony Assémat/Actu Toulouse)
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Pour les Commingeois, c’est « la cellulose ». L’usine Fibre Excellence, qui transforme le bois en pâte à papier, donne sur le centre-ville de Saint-Gaudens (Haute-Garonne), au pied des Pyrénées. Une usine, l’une des dernières pour la fabrication de la pâte à papier en France, qui emploie en direct près de 270 personnes, et au moins 2500 de façon indirecte, au local et dans la région. Incontournable dans un bassin économique en difficulté et ce, malgré les réveils olfactifs désagréables pour les habitants… jusqu’à 30 km à la ronde !

« Perte d’étanchéité » sur la chaudière

Samedi 15 mai 2021, aux alentours de 19h, un incendie s’est déclaré à l’intérieur de l’usine, classée Seveso seuil haut. Les détails avec la préfecture de Haute-Garonne et la direction de Fibre Excellence :

"La chaudière à liqueur noire du site Fibre excellence a subi une perte d’étanchéité à 19h20. Du sodium en fusion à 950°C (salin) s'est écoulé, ce qui a généré des explosions de faible intensité, du fait notamment du contact avec de l'eau. Quelques dégagements de fumées ont également été observés. L'impact de cet incident est limité à l’intérieur du site. En application des procédures réglementaires qui lui incombent, l'exploitant a déclenché son plan d'opération interne (POI), dans lequel une procédure prévoit l'arrêt de l'alimentation de la chaudière en cas d'incident. Cette opération a permis de stopper l'écoulement de salin, qui est en cours de refroidissement. De plus, des sacs de sable ont été disposés à proximité des tas de salin, afin d'éviter tout nouveau contact avec des produits liquides".

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Le site sous surveillance et à l’arrêt

L’incendie, circonscrit vers minuit, n’a fait aucun blessé ni victime tandis que les pompiers et les salariés ont surveillé le site jusqu’à 10h du matin, dimanche 16 mai. Et « aucune toxicité dans l’air » n’a été relevée, selon la préfecture. « La chaudière a été stoppée par arrêté préfectoral et est en cours de refroidissement. Le site est progressivement à l’arrêt », précise la direction de Fibre Excellence.

« Nous sommes toujours vigilants »

Le genre d’incident grave toujours délicat à gérer pour le maire (DVG) de Saint-Gaudens, Jean-Yves Duclos. « J’ai été en relation avec le directeur de l’usine toute la nuit. Je veux remercier aussi le personnel de l’usine et les pompiers qui se sont mobilisés. Ce n’est pas évident pour la commune après l’incendie qui s’était déroulé à l’école Sainte-Thérèse (fin mars 2021, ndlr). Nous sommes toujours vigilants sur ce qui se passe à l’usine « , réagit l’élu auprès d’Actu Toulouse.

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L'histoire de l'usine, construite en 1959

Construite entre 1957 et 1959 dans le cadre du Plan Marshall, grâce à des capitaux américains, celle qui s'appelait alors la "Cellulose d'Aquitaine" a commencé son activité en mars 1959. Totalement rénovée en 1992, elle s'étend sur une soixantaine d'hectares et "produit environ 300 000 tonnes par an de pâtes blanchies, avec du bois issu de feuillus ou de résineux (1 100 000 tonnes de bois traités annuellement), d’origine essentiellement régionale (sauf l’eucalyptus)", détaille la préfecture de Haute-Garonne. 
En 2019, son chiffre d'affaires s'élevait à 157 millions d'euros.

Des personnes intoxiquées en juin 2020

Ce n’est pas le premier incident dans la longue histoire de l’usine commingeoise. Récemment, en juin 2020, alors qu’ils effectuaient des travaux à l’intérieur d’une cuve, six salariés d’une société prestataire et un employé de l’usine ont été intoxiqués par exposition au dioxyde de soufre, un gaz aussi irritant que toxique. Sept personnes avaient dû être évacuées en urgence relative vers les hôpitaux de Saint-Gaudens (Haute-Garonne) et Lannemezan (Hautes-Pyrénées). 

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Visite d’inspection lundi 17 mai

La préfecture indique qu’une inspection « sera réalisée ce lundi 17 mai par le service des installations classées pour la protection de l’environnement de la DREAL (Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement, ndlr) Occitanie« .

La direction de l’usine précise à Actu Toulouse que « les équipements concernés par l’incident ont fait l’objet d’importantes rénovations en juin 2019, et d’après les dernières inspections réalisées, ils sont conformes aux spécifications requises. Notre priorité absolue est d’assurer la sécurité des personnes et des équipements. Aucun redémarrage n’aura lieu avant que le nettoyage, les inspections, les réparations et tests nécessaires n’aient été complétés, en coordination étroite avec les autorités compétentes ». 

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Maintenance du site en juin

Par ailleurs, la maintenance du site prévoit un arrêt complet de l’usine du 7 au 21 juin. Des opérations de maintenance et de modernisation des installations qui étaient prévues avant l’incendie.

Un projet pour moderniser la chaudière en question

La chaudière à liqueur noire, au coeur des causes de l’incendie, est, dans les faits, au centre de l’attention des pouvoirs publics ces derniers mois. Du 20 janvier au 25 février 2021, s’est tenue une enquête publique « relative à l’autorisation d’apporter des modifications sur sa ligne d’évaporation de la chaudière à liqueur noire ». L’enjeu : « Améliorer les émissions de la chaudière dans laquelle elles sont brûlées et réduire les encrassements sur celle-ci pour une production énergétique plus efficace », indique le rapport, qui détaillait les travaux de modernisation à prévoir :

"- Modifications sur la chaudière de récupération LN3 (nouvelle puissance 310 MW au lieu de 230 MW actuellement) : modification des différentes alimentations en air de la chaudière et modifications sur l’alimentation en liqueur noire. - Modifications sur la ligne d'évaporation pour atteindre une concentration de 75% de matière sèche dans la liqueur noire : extension de l'atelier d'évaporation (deux nouveaux évaporateurs et équipements associés), ajout d'un condenseur, d'un concentrateur, d'un préchauffeur et deux tours de refroidissement (capacité de 14 500 kW).

« Absence de protection contre les intempéries »

Lors d’une inspection des installations, réalisée par l’entreprise Apave en mars 2020, « aucun dépassement » des normes n’avait été signalé. En revanche, elle alertait alors, dans son paragraphe consacré à la chaudière à liqueur noire, sur « l’absence de protection contre les intempéries. Cela permettrait une meilleure maitrise des conditions de sécurité pour le personnel et le matériel ». Des recommandations qui figurent dans le dossier du rapport de l’enquête publique.

Or, c’est la perte d’étanchéité due au contact de l’eau qui a entraîné les « faibles explosions » relatées par les pouvoirs publics. Les pluies de ces derniers jours n’ont sans doute pas arrangé la situation… 

Premier émetteur d’Occitanie pour le dioxyde de carbone

La modernisation de la chaudière doit permettre d’augmenter la production d’électricité d’origine biomasse. Un enjeu écologique loin d’être anodin. Selon le rapport d’enquête publique, « Fibre-Excellence est le premier émetteur d’Occitanie pour le dioxyde de carbone et le dioxyde de soufre, le deuxième émetteur pour l’oxyde d’azote et le troisième pour l’oxyde de carbone ». Des émissions dont la chaudière à liqueur noire est l’un des principaux facteurs. 

L’usine a investi 20 millions d’euros

Dans le rapport, François Lewin, le directeur général délégué de Fibre Excellence, expliquait que « ces trois dernières années, Fibre Excellence Saint-Gaudens a investi plus de 20 millions d’euros pour s’équiper des meilleures technologies et améliorer de manière constante son empreinte environnementale. La modification de la chaudière à liqueur noire et de la ligne d’évaporation associée permettra à Fibre Excellence Saint-Gaudens d’utiliser les meilleures techniques disponibles (MTD) pour la production de pâte à papier ».

L’usine indique avoir travaillé sur la réduction du bruit, sur les rejets aqueux avec « l’installation entre 2016 et 2021 de trois nouvelles tours aéroréfrigérantes » et, notamment, la « modification d’un four à chaux, qui a permis une baisse des émissions d’oxyde d’azote de 30 % » et la « rénovation des systèmes de filtration des poussières de la chaudière à liqueur noire ».

L’opposition d’Antoine Maurice et des écologistes

En campagne pour les élections régionales, Antoine Maurice, tête de liste écologiste « Occitanie naturellement », était venu s’opposer à ce projet de modernisation de l’usine. « Si une amélioration des outils est nécessaire, cela ne peut pas se faire dans ces conditions. Ce projet n’est pas le bon puisqu’il conduira à produire 86 000 tonnes de gaz à effet de serre supplémentaires, chiffres relevés par la Mission régionale d’autorité environnementale », avait alors indiqué le candidat lors de sa visite dans la sous-préfecture de la Haute-Garonne.

« Exigence d’une parfaite transparence »

Dans un communiqué de presse, la liste Occitanie Naturellement a réagi à cet incendie dans une usine à risques :

"L’accident d’hier, lié à une perte d’étanchéité sur la chaudière à liqueur noire inquiète au plus haut point. Il survient dans un contexte préoccupant qui pourrait laisser penser que la rentabilité financière passe avant les obligations de sécurité dues aux salarié.e.s, à la population et à l’environnement. Dans l’attente de plus d’éléments nous permettant d’évaluer les conditions dans lesquelles cet accident s’est produit et les conséquences que celui-ci peut entraîner en terme de pollution et de sécurité, nous réaffirmons notre exigence d’une parfaite transparence concernant les activités industrielles de tels sites".

En février dernier, chez nos confrères de France 3 Occitanie, Annabelle Fauvernier, conseillère municipale d’opposition (Gauche-Ecologie) à la mairie de Saint-Gaudens, avait aussi pointé du doigt le projet de l’usine.

"Réduire le dioxyde de soufre, c'est très bien mais il faut aussi travailler sur le reste, sur les sulfures d'hydrogène, par exemple. Il faut avoir un projet neutre en carbone, c'est à dire qu'on n'ait pas davantage de gaz à effet de serre que ce que l'on a aujourd'hui".

Le PPRT approuvé en 2015

Fin 2015, les pouvoirs publics avaient approuvé le Plan de prévention des risques technologiques (PPRT) de l’usine Fibre Excellence. « La mairie avait participé financièrement, à hauteur de 300 000 euros. Le PPRT avait été réduit dans l’enceinte de l’usine et a permis de ne pas rendre les terrains autour non constructibles », précise Jean-Yves Duclos. 

Créés en 2003, les PPRT avaient constitué la réponse de l’Etat pour mieux sécuriser et maîtriser l’urbanisation autour des sites à haut risque et Seveso. Une réponse après l’explosion… de l’usine AZF de Toulouse, qui avait fait 31 morts. Un risque qui a toujours fait partie du quotidien des habitants du Comminges.

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