Une concentration exceptionnelle de gisements préhistoriques

Courrier de Louis RAYMOND, Pujos le 7 avril 2008
Membre de la Société préhistorique française depuis 1958
Lettre au Commissaire enquêteur du projet de carrière de Montmaurin.

Monsieur le Commissaire enquêteur,

Passionné de préhistoire, et particulièrement de celle des Pyrénées centrales, très attaché au patrimoine archéologique de notre région, je dois vous dire mon extrême inquiétude au sujet du projet de carrière engagé par la mairie de Montmaurin.

Comme dans la haute vallée de l’Ariège autour Tarascon et de Niaux, comme dans la vallée de la Vézère, il y a là, au confluent de la Save et de la Seygouade, une concentration exceptionnelle de gisements préhistoriques révélant qu’il y a eu, à cet endroit, des conditions particulières qui y ont attiré les hommes pendant toutes les époques de la préhistoire. Si beaucoup de gisements ont été découverts, il est illusoire de croire qu’il n’en existe plus à découvrir. Il faut des circonstances particulières pour qu’un site préhistorique soit naturellement mis au jour. Dans ces secteurs de collines boisées, aux versants parfois très pentus, la couverture végétale ou des éboulements peuvent dissimuler les vestiges fragiles des occupations humaines.

Pour la période préhistorique seule, sur les quelques kilomètres carrés qui entourent les gorges de la Save, une bonne vingtaine de gisements sont connus. La plupart ont été fouillés il y a plus de soixante ans, à une époque où les méthodes et les moyens techniques de recherches n’avaient pas fait les progrès considérables accomplis depuis. On ne fouille plus pour extraire des objets mais pour étudier en place les objets et leur contexte. La fouille est longue parce que minutieuse et si, au bout de l’opération, le gisement est détruit, tous les enseignements en ont été tirés. Cela n’a rien à voir avec ce qu’on pourrait apprendre par des découvertes fortuites faites pendant l’exploitation d’une carrière.

La plupart des gisements connus appartiennent au Paléolithique supérieur, c’est-à-dire à l’époque de l’art préhistorique. C’est là que l’on a trouvé la Vénus de Lespugue, à mon avis la plus belle, la plus élégante des vénus de la même époque. Il est raisonnable de penser qu’à proximité de ces nombreux habitats préhistoriques, il puisse exister une grotte ornée. C’est même son absence qui est étonnante. Les plus belles découvertes comme Lascaux ou Chauvet étaient des cavités dont l’orifice est resté longtemps inconnu parce qu’obstrué naturellement. C’est d’ailleurs ce qui a permis le bel état de conservation de ces œuvres pariétales. On frémit à l’idée que si une telle grotte existe, elle puisse être éventrée à l’explosif.

Le maire de Montmaurin prend une grave responsabilité en voulant ouvrir cette carrière. Il dispose, sur et à côté de son territoire, d’un patrimoine préhistorique, gallo-romain et médiéval qui, intelligemment aménagé, pourrait apporter au village plus de ressources économiques et à plus long terme. L’alternative est donc : prendre le risque de détruire ou mettre en valeur. J’espère que la sagesse prévaudra.

Veuillez agréer, Monsieur le Commissaire enquêteur, l’expression de ma meilleure et très respectueuse considération.

Louis RAYMOND
Membre de la Société préhistorique française depuis 1958

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