Alerte archéologique et environnementale à Montmaurin

Stéphane Fargeot, secrétaire de l’ADAQ-Vie Save-Gesse

Thérèse Miro, chargée du musée archéologique de Montmaurin

Objet : message d’alerte archéologique : le massif de Lespugue-Montmaurin en danger

Monsieur le Directeur du Service Régional d’Archéologie,

Vous connaissez très bien Lespugue et sa Vénus, et aussi bien sûr la villa gallo-romaine et la bastide du village de Montmaurin, son lion des cavernes - machairodus (Mindel-Riss) - et sa mâchoire de pré-néanderthalien (Riss-Würm, 300 000 ans ou quelque chose d’approchant). Dans un site très voisin (moins d’un kilomètre) de la trouvaille exceptionnelle de Coupe-Gorge de Louis Méroc et dans le même massif calcaire karstique Dano-Montien (comme on le voit facilement sur la carte géologique Boulogne sur Gesse XVIII-45 au 1/50000 du BRGM, si vous regardez cette carte vous pourrez positionner facilement le projet d’extraction entre la lettre e1 et Bois de la Hage, en bas à droite, à l’endroit où il est écrit cal !!! pour calcaire), en bordure de la Saygouade, la mairie du village de Montmaurin lance une enquête publique pour l’exploitation à l’échelle industrielle d’une carrière de graviers qui seraient concassés sur place, avec un débit annuel de 200 000 tonnes par an (des charges explosives mensuelles de 2000 kilos etc…) au mépris de la richesse archéologique, historique et humaine de ce site - les terrains protégés de Lespugue sont à moins d’un kilomètre à vol d’oiseau, où une carrière similaire en bout des Gorges de la Save avait été stoppée pour cette raison sensible pour tout humaniste, et pas seulement les amateurs de vieilles pierres, comme nous le dit le commissaire enquêteur. La carrière de Coume de Robert (proche de Coupe-Gorge, la Terrasse et la Niche, grottes classées par arrêté le 14 décembre 1949) avait également été fermée en avril 2007 par les services des Monuments Historiques.

Je ne crois pas que cette - mauvaise - nouvelle vous réjouisse, mais nous serions heureux si vous pouviez nous envoyer une réaction marquant votre préoccupation à l’annonce d’un tel projet : cela aurait un poids bien supérieur à notre agitation dérisoire eu égard aux intérêts financiers importants du projet (deux millions d’euros par an de chiffre d’affaires, au bas mot … et trente mille euros par an d’aumône pour la commune …) dans le dossier de l’enquête publique déjà en cours. Le SRA de Midi Pyrénées ne s’est même pas fait représenter lors de la réunion publique du vendredi 28 mars dernier à Montmaurin où le commissaire enquêteur avait réuni tous les acteurs du projet devant une assistance houleuse.

Les responsables de l’archéologie ainsi que la communauté scientifique tout entière méritent d’être avertis et ne peuvent rester indifférents à ce déni d’un patrimoine archéologique exceptionnel couvrant toute l’activité humaine, depuis la préhistoire jusqu’au Moyen Âge. Les ruines du castrum et tour de Roquebrune - mentionnés notamment dans un Extrait d’accord entre les consuls et habitants de Blajan et les coseigneurs de Mirepoix pour Bacuran et la Hage rédigé en 1343 (Archives de la Haute-Garonne série B Comminges D 7) et dans l’article de Guy-Pierre Souverville « Montmaurin, du bas Moyen-Âge à l’Ancien Régime », Revue du Nébouzan, 1997 - se trouvent sur la colline même visée par les exploitants de la carrière, à moins de 40 mètres du front de taille de l’ancienne carrière Dufau.

Citation du Dossier d’Enquête Publique : « .. un éloignement suffisant des sites à contraintes archéologique et historiques fortes. »

En espérant pouvoir vous atteindre par ce mail, et à votre disposition pour toute information complémentaire que vous solliciteriez, nous vous adressons nos plus cordiales et respectueuses salutations.

Stéphane Fargeot secrétaire de l"ADAQ-Vie Save-Gesse

et

Thérèse Miro chargée du musée archéologique de Montmaurin (préhistoire et gallo-romain)

Autres points noirs importants de ce dossier :

  • Routes inadaptées RD633 et RD69C, avec une augmentation journalière du trafic de 60 à 80 gros camions En 2007, la route des gorges de la Save, située à 800 mètres à vol d’oiseau du front de taille de l’éventuelle carrière, a été fermée pendant 7 mois pour travaux à cause de chutes de rochers sur la chaussée. Sur la RD633, très étroite, il y a eu dans les cinq dernières années 12 accidents constatés par la gendarmerie avec 4 morts et 9 blessés

Citation du Dossier présenté à l’enquête publique : « La RD633 est très peu accidentogène : durant ces cinq dernières années, seulement 3 accidents ont été recensés impliquant à chaque fois un seul véhicule léger, sur des sections différentes et sans faire de victime ».

- A 200 mètres au-dessus du futur site projeté se trouve le lotissement communal de Bacuran, avec vingt-quatre maisons et trois constructions nouvelles en cours dont les permis de construire ont été accordés récemment (janvier 2007). Au même niveau se trouvent trois autres habitations , cinq autres maisons (dont un gîte de France) et deux en construction dans le quartier de la table d’orientation tout proche. Une grande grotte s’ouvre juste derrière la ferme située au bout de la route de Bacuran, d’autres grottes et cavités sont visibles autour - et même dessous - certaines maisons de Bacuran. Sur la RD633 face au site projeté on trouve la ferme de Barteuille, la ferme La Grange et un gîte rural.

Citation du Dossier d’Enquête Publique : « … l’éloignement maximum aux quelques riverains du secteur… »

  • Nuisances du chantier : poussières, boues, bruit de niveau élevé en continu, pollution de la Saygouade et des cours d’eau en aval
  • Destructions du paysage et de l’interfluve entre Save et Saygouade, une Zone d’Intérêt Écologique, Faunistique et Floristique protégée (ZNIEFF de type 1, n° 730011401), avec une faune et une flore exceptionnelles pour la région (végétaux montagnards : hêtre, aspérule odorante, lys martagon). Les critères d’intérêt retenus sont très nombreux : faunistique (invertébrés, oiseaux, mammifères), floristique (phanérogames), géomorphologique, géologique et spéléologique

Citation du Dossier d’Enquête Publique : « la situation dans une zone de sensibilité environnementale acceptable sur des terrains déjà partiellement modifiés par une extraction passée. » (l’ancienne carrière Dufau a cessé ses activités vers 1964)

- Projet en contradiction flagrante avec la politique de promotion du tourisme rural et archéologique de toute la zone, bien au-delà du massif Montmaurin-Lespugue : gîtes, sentiers de randonnée, musée et villa gallo-romaine de Montmaurin, vestiges gallo-romains de la Hillère, promenade et roche-école dans les gorges de la Save, musée et château de Lespugue

Courrier adressé aux 29 Drac de Métropole (22) et des DOM-TOM (7) pour leur Service Régional d’Archéologie, au Président de la République, au Premier Ministre, à la Ministre de la Culture, au Directeur de l’Architecture et du Patrimoine, à Michèle Monnier à la sous- direction de l’Archéologie du ministère de la Culture, à Jean-Louis Borloo au Ministère de l’écologie, du développement et de l’aménagement durables, au Préfet de Midi-Pyrénées, au Sous-Préfet de Saint-Gaudens, à la Direction Régionale de l’Environnement Midi-Pyrénées, à la Direction Départementale de l’Équipement de la Haute-Garonne, à la Direction Régionale de l’Industrie, de la Recherche et de l’Environnement de Midi-Pyrénées, au Président de la Région Midi-Pyrénées, au Président du Conseil Général de la Haute-Garonne, au député du Comminges, à Bertrand Auban, sénateur de la Haute-Garonne, au Conseiller Général du Canton de Boulogne sur Gesse, au Président de la Chambre d’Agriculture Midi-Pyrénées, au Président de la Chambre d’Agriculture de la Haute-Garonne, à Yves Coppens, Jean Clottes, Michel Girard, Josette Renault-Miskovsky, Bruno Maureille, Jean Guilaine, Henri de Lumley, Jean-Michel Geneste, préhistoriens, au Directeur du Musée des Eyzies, au Directeur du Musée de Tautavel, à la Directrice du Château-Musée de Bélesta, au Muséum de Toulouse, à la Société Archéologique du Midi de la France, aux revues Archéologia, Gallia Informations, La Recherche, Préhistoire et Anthropologie Méditerranéennes, au Directeur du Service Départemental de l’Architecture et du Patrimoine de la Haute-Garonne et aux journaux Libération, Politis, Marianne, Ortzadar, à Benoît Cursente, Nelly Pousthomis, Florent Hautefeuille, archéologues, Louis Raymond, membre de la Société Préhistorique Française depuis 1958, à Michel Serres, à l’émission archéologique de France-Culture « Le Salon Noir », à l’émission de Daniel Mermet « Là-bas si j’y suis » sur France-Inter, à Francis Marmande au journal Le Monde, aux associations Vivre à Baliros dans un Environnement Sans Gravière, Amis de la Terre Midi-Pyrénées, Union Midi Pyrénées Nature Environnement, Nature Comminges, Nature Midi Pyrénées

Revenir en haut